La sélection🙋‍♀️ Porno Féministe 🙋‍♀️
Aujourd’hui mis à l’honneur par les médias mainstream - à travers l’exemple iconique d’erika Lust - la pornographie féministe est pourtant plus ancienne que la culture 2.0.
Une naissance dans les années 80
Désormais décrite et analysée au gré des médias les plus populaires, la notion de film éthique ou féministe n’a pourtant rien de très nouveau. Parallèle au porn dit “mainstream”, cette conception du genre (émancipatoire, indépendant, subversif par nature, transgressif, volontiers naturaliste) nous renvoie à “l’autre Hollywood” des années 80.
Incarnée par les oeuvres activistes de Candida Royalle et d’Annie Sprinkle, la pornographie féministe fait alors l’objet de toutes les polémiques de l’autre côté de l’Atlantique, s’insinuant au sein d’un débat intellectuel et militant, celui des “guerres des sexes” (sex wars). Les féministes dites “pro sexe” rencontrent alors une résistance de la part de figures féministes “anti-sexe” virulentes, telles Catharine MacKinnon et Andrea Dworkin, pourvoyeuses de lois anti-X - envisageant le porno comme une violation des droits des femmes et une incitation à la haine. Leur décret "Antipornography Civil Rights Ordinance" a pour but...l’interdiction pure et simple du genre. La pornographie féministe, à l’instar de la scène queer, a donc cette particularité d'être marginale au sein du féminisme comme de l’industrie adulte.
Quelles sont les réalisatrices françaises ?
En France, les tags parfaits féministes trouvent écho au début des années 2000, à travers les essais et films inspirants de la réalisatrice Ovidie (son bouquin culte Porno Manifesto, sorti en 2002). A travers ses discours médiatisés et très critiques emprunts d’empowerment, l’actrice politisée s’oppose autant aux vieux discours du conservatisme anti-porno qu’à l’hégémonie masculine qui plane sur le X - une domination qu’il faut ébranler. L’ex-actrice, ayant joué devant l’objectif des grands noms du cul hexagonal (Alain Payet, John B root, Fred Coppula), milite pour un vision libertaire et pro-sexe du féminisme. Tout en s’attardant sur ce que le X peut, à ses yeux, véhiculer en terme d’images oppressives et sexistes.
Aujourd’hui, l’influence artistique et théorique d’Ovidie se fait encore sentir sur le panorama X. La féministe frenchie Anoushka propose sur son site social Not a sexpert une vision du sexe explicite détachée des codes du mainstream : décentrée de l’acte de pénétration et de la dictature de la catégorisation qui envahit les tubes, cette production là se focalise sur l’alchimie érotique entre les membres du casting, mettant un point d’honneur à honorer le plaisir féminin et la notion de consentement. Du porno éthique, féministe et éducatif à sa manière.
Le porno féministe 2.0
A l’heure de Twitter et de YouPorn, la réalisatrice féministe “vedette” est suédoise : elle s’intitule Erika Lust et cela fait déjà 14 ans qu’elle propose son X à elle. Sa série rose des Xconfessions part d’un principe alléchant : proposer aux couples de pitcher leurs propres fantasmes et rêves humides, afin d’en faire des films aux castings excitants à souhait (Amarna Miller forever). A travers ses films féministes, Lust conçoit le porno comme une conversation traversée de scènes explicites : non pas une illustration distante du sexe en tant que performance spectaculaire, mais un dialogue très “2.0” avec le public, devenu acteur à part entière de l’oeuvre sur laquelle il va se masturber. On reste loin de ce que Pornhub catégorise en “female choice”, rubrique un peu trop guidée par la libido masculine.
Mais le modèle sex-positive d’Erika Lust qu'on retrouve sur sa plate-forme Lust Cinema, source d’influence pour les nouvelles générations de pornographes, ne doit pas faire oublier les trop mésestimées figures du féminisme X actuel. Citons entre autres choses la française Lucie Blush, blogueuse, réalisatrice, féministe et tenancière du site Lucie Makes Porn, la superactive Paulita Pappel, performeuse, productrice et gérante du Porn Film Festival de Berlin, à qui l’on doit deux sites éthiques, entre (vrais) couples amateurs (Lustery) et lesbiannisme joyeux non hétéronormé (Ersties), mais aussi Bree Mills, working girl à la tête du site Girlsway, fantasmant l’idée d’images sans mecs et d’un X “girl on girl” moins phallocratique que les grosses prods mainstream. Les non-rassasiés pourront toujours goûter aux films de fesses léchés, diversifiés et politiques de Vex Ashley (Four Chambers), Petra Joy (le site CinemaJoy) et Courtney Trouble (Trouble Films), ou encore aux fictions éthiques et bandantes du collectif Verso Cinéma.
Si elle est globalement bien accueillie par la sphère médiatique, la nouvelle vague de porno féministe attise également les débats. “La pornographie féministe n’existe pas” selon Agnès Giard, rappelant sur son blog que cette vision binaire du X n’est pas exempte de contresens - comme en témoigne la diversité des sous-genres, des pratiques et des tags, celle des préférences de la gent féminine, volontiers extrêmes (anal, sadomasochisme, etc) - et, globalement, l'ambiguïté du spectacle pornographique  (“Le porno est sexiste parce qu’il est transgressif. S’il n’était pas transgressif, il ne serait pas porno”). Il n’y aurait pas de “bon” porno (féministe), mais une pluralité d’oeuvres jugées et ressenties selon la sensibilité - parfois contradictoire - de chaque spectateur et spectatrice. Conclusion ? La frontière est toujours très mince entre “l’éthique” militante  et la complexité des fantasmes hardcore qui composent la culture porn, entre la conscience politique et le plaisir décomplexé du X.